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Touchés
par la grâce

STARSAILOR
« LOVE IS HERE»

Starsailor tire son nom d’un album de Tim Buckley, un artiste porté aux nues par l’ensemble du groupe. Autre génie et père éternel de nos Anglais : son fils, Jeff Buckley, à qui le chanteur, James Walsh, est souvent rapproché. À juste titre :ferveur, lyrisme et mélancolie envoûtent sa voix avec des textes sur l’espoir et la rédemption, des contes sur l’amour.
Et avec ses guitares acoustiques, son piano omniprésent, et sa basse souvent énamourée d’un chant affecté de retenue, le jeune quatuor prodige – la moyenne d’âge des musiciens est de 24 ans – donne corps et vie à une clarté émotionnelle évidente.

« Starsailor est évidemment un peu plus explosif sur scène : certains titres, à l’origine, acoustiques, sont bien plus longs, complètement retravaillés pour une version tout à fait inédite pour le live. »

Discotexte : Ce soir, à l’Élysée Montmartre, c’est le premier concert officiel de Starsailor à Paris, et celui-ci est annoncé complet depuis plusieurs semaines. Était-ce si facile de conquérir le public français ?

James Stelfox (bassiste de Starsailor)  : En effet, on avait déjà joué une première fois à Paris, en septembre dernier, mais essentiellement devant la presse française, pour annoncer la sortie de l’album [Love Is Here (EMI / Chrysalis, 2001), est sorti en octobre, ndlr]. Aujourd’hui, c’est différent puisqu’on est en tournée. Et celle-ci se sera arrêtée trois fois dans votre pays : il y a deux jours, on était à Lyon [à Villeurbanne, plus exactement, ndlr], hier, à Strasbourg, et ce soir, c’est le grand soir ! Mais, très honnêtement, je ne serai en mesure de répondre à votre question qu’après le concert… En fait, j’espère que ça se passera bien…

Cette date serait-elle si importante à vos yeux ?

Non, pas plus qu’une autre… Après tout, on vient de tourner à travers tous les États-Unis, le Canada, quelques pays d’Europe où on n’était pas encore allés jouer  on a même déjà capté l’un de nos concerts l’an dernier [au Forum, à Londres, le 1er novembre 2001, ndlr], en vue de sortir un DVD, peut-être. Mais là… Je ne sais pas… Pour tout vous dire, je suis un peu nerveux – plus que d’habitude, allez savoir pourquoi… J’espère vraiment que tout se passera bien…

Vu l’accueil qui vous est partout réservé, pourquoi en serait-il autrement ? Et puisque la majorité des titres de l’album a pour sujet le rapport à l’autre, sauriez-vous nous dire quelles relations unissent le groupe à son public ?

C’est vrai, partout où nous jouons, notre public est très chaleureux. Et on essaie de lui rester proche, de toutes les manières qui soient. Parfois, par exemple, on distribue jusqu’à cinquante pass pour qu’autant de personnes puissent venir nous rencontrer après le concert auquel elles viennent d’assister. Et on entend des choses comme : « Merci d’avoir fait ce disque, ça nous a vraiment aidés », ou des amoureux qui nous confient : « La chanson Love Is Here a sauvé notre couple »… Dans ces moments-là, on se rend compte que notre œuvre peut changer la vie des gens. C’est terriblement flatteur, il faut l’avouer.

Vous-même, en tant que spectateur, avez-vous le souvenir d’un concert qui vous aurait marqué plus que tout autre ?

Oh, oui ! C’était aux États-Unis, et il n’y a pas si longtemps, d’ailleurs : tout le groupe est allé voir un show de Paul McCartney [lors du « Driving World Tour », en avril dernier, ndlr]. C’était très, très impressionnant ! Et d’avoir pu l’approcher de si près, de l’avoir écouté pendant plus d’une heure et demie reprendre les morceaux qu’il avait composés pour les Beatles… J’ai eu du mal à m’en remettre ! La tête m’a tourné pendant les deux jours qui ont suivi le concert ! Il est si talentueux : c’est un bassiste extraordinaire – mon héros, mon idole !

Love Is Here est un album qui se compose principalement de morceaux acoustiques. Peut-on néanmoins s’attendre à des arrangements plus électriques pour le live à venir ?

Bien sûr ! Starsailor est évidemment un peu plus explosif sur scène ; certains titres sont bien plus longs, complètement retravaillés pour une version tout à fait inédite, unique pour le live… Mais je ne voudrais pas tout vous révéler : je préfère vous laisser découvrir toutes ces transformations le moment venu…

Y a-t-il une préparation nécessaire au groupe avant le concert ?

Ce n’est pas une préparation à proprement parler… En fait, le spectacle est rôdé puisqu’on est tournée depuis neuf mois, maintenant – on vient de donner pas moins de quinze concerts, ces trois dernières semaines ! Alors nos « répétitions », ce sont plus précisément chacune des scènes qu’on a pu faire avant ce soir, dans le sens où on cherche toujours à s’améliorer. Pendant une tournée, on n’a pas le temps s’installer dans une ville, de prendre un créneau dans une salle de répétitions pour travailler ; par contre, dans le bus, et parfois pendant les balances aussi, on a le temps de « faire un bœuf » [une improvisation à laquelle peuvent se joindre les musiciens qui le souhaitent, ndlr]. En revanche, plusieurs mois consécutifs de tournée, ça te donne surtout le temps d’écrire de nouveaux titres pour un prochain album !

« Parfois, on distribue jusqu’à cinquante pass pour que des gens puissent venir nous rencontrer après le concert. Et quand des amoureux nous confient : "La chanson Love Is Here a sauvé notre couple", on se rend compte que notre œuvre peut changer la vie des gens. C’est terriblement flatteur. »

Vous semblez très proches les uns des autres…

C’est exact. Avec les trois autres membres du groupe, tout d’abord, mais aussi avec tous ceux qui nous accompagnent sur la route et qui restent dans l’ombre. Au total, douze personnes composent l’équipe : tourneur, manager, ingénieur du son, éclairagistes, techniciens guitare et roadies [machinistes itinérants et/ou techniciens de plateau, ndlr], chauffeurs… On voyage tous ensemble. Enfin, à bien y réfléchir, on fait même presque tout tous ensemble ! Aujourd’hui, par exemple, en arrivant à Paris, vers midi, et après que chacun ait pris sa douche – en attendant les autres, je me suis fait couper les cheveux  malheureusement, le coiffeur m’a laissé un petit souvenir (James pointe du doigt son oreille droite grossièrement pansée) : je vais certainement devoir jouer avec un bonnet enfoncé jusque sous les oreilles, ce soir ! –, bref, après une bonne douche, donc, on est partis tous ensemble s’acheter un sandwich à manger, on s’est baladés un peu alentour et… on s’est perdus – voilà la cause de mon retard ! Là, après les interviews, il est question qu’on fasse notre balance, qu’on grignote un bout dans les loges et qu’on reparte traîner, toujours en bande, dans la capitale – histoire de faire les boutiques ou je ne sais quoi… Mais même une demi-heure avant le concert, au moment où on fait le vide dans nos têtes et où on se concentre sur ce qui va suivre, là encore, on est tous réunis dans une seule et même pièce ! La grande famille Starsailor, quoi !

Il ne reste justement que quelques petites heures avant que chacun prenne sa place, dans l’ombre ou la lumière… Comment vous sentez-vous, maintenant ?

L’excitation ne cesse de monter, depuis tout à l’heure, et je suis à présent terriblement impatient de grimper sur scène, de jouer nos morceaux et de vous offrir enfin les quelques petites surprises que l’on vous a réservées… Vous restez, hein ? Parce que je sens que ça va être particulièrement génial, ce soir !

Sur scène, les poursuites et les lumières tombent enfin sur un décor amplifié dans lequel évolueront quatre garçons doués : Ben Byrne à la batterie, James Stelfox à la basse, Barry Westhead aux claviers, et James Walsh, auteur-compositeur-interprète, guitare à la main et maux tendres à la bouche.
Le premier set de Starsailor, dominé par un pouvoir mélodique intense, trouble et surprend : l’émoi se fait plus violent, insistant, sans rien enlever aux compositions connues de tous – parmi lesquelles le premier single, Fever, qui parcourt la salle déjà électrisée comme un frisson. Et gratifiant son public de trois morceaux inédits (Some of Us, Silence Is Easy et Born Again, d’après la setlist) qui, sans nul doute, figureront sur son prochain album, le groupe se retire finalement sous un tonnerre d’applaudissements.
En rappel, le chanteur réapparaît d’abord seul, mais toujours avec sa guitare, muni de quelques accords reposants et de refrains mythiques (Let It Be, des Beatles, et The Needle and the Damage Done, de Neil Young) – le calme avant la tempête ? Précisément. Lorsque, sur un dernier titre exacerbé, Good Souls, James Walsh contrarie soudain son attitude angélique et met à terre ampli, guitare et micro dans un excès de fièvre sensible, la foule de l’Élysée Montmartre, elle aussi renversée, bouleversée, ne peut contenir son excitation.

En quittant les lieux, vers minuit, James Stelfox signe des autographes et se confie encore, exalté, mais aussi délivré, satisfait : « Alors ? Bon sang, c’était vraiment génial ! L’un des meilleurs concerts de Starsailor ! Je vous l’avais dit ! Merci, Paris ! » Avant de monter dans le bus qui conduira le groupe de nouveau en Angleterre. Et assurément vers le succès.

LOVE IS HERE, DE STARSAILOR (EMI / CHRYSALIS, 2001)

Mickaël Pagano, 2002

© PHOTOS : DR, TIM RONEY, MARY SCANLON, PENNIE SMITH