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Francs-tireurs

REVOLVER
« Pop de chambre » (EP)

Insérer les cartouches musicales de Revolver dans les chambres d’une pop originale et aligner tour à tour ces dernières avec un canon, polyphonique de préférence. Telles pourraient être les instructions pour bien écouter l’EP du trio parisien « tiraillé » entre les harmonies vocales des Beach Boys et les mélodies géniales des Beatles, pressé aussi par la suprématie sans égale de Jean-Sébastien Bach. Mais bien qu’ils fassent ici leurs premières armes, les trois musiciens – pour certains anciens enfants de chœur –, ont déjà l’insolence des francs-tireurs : ils visent une nouvelle cible d’auditeurs, un album presque révolutionnaire en guise de munitions.

Discotexte : Je suis le dernier d’une longue liste de journalistes à vous rencontrer aujourd’hui. Alors, malheureusement, toute ressemblance avec des questions vous ayant déjà été posées ne saurait être fortuite… Mais bien involontaire.

Revolver  : (rires) On peut t’aider et te dire quelles questions éviter : « Pourriez-vous vous présenter ? » ou « Comment vous êtes-vous rencontrés ? » – mais bon, en même temps, c’est normal de vouloir le faire savoir ! Et puis : « Pourquoi chantez-vous en anglais ? » Oh, et surtout : « Pourquoi Revolver ? »

C’est parce qu’il y avait un poster des Beatles dans la chambre d’Ambroise, si je me suis bien renseigné…

Ambroise Willaume  : Voilà, c’est ça. L’histoire est connue, maintenant.
Christophe Musset  : Et puis, qui ne connaît pas Revolver ?

Peut-être le meilleur album des Beatles, en effet…

Ambroise : Oui… Mais moi, je parlais de nous !

Pourtant, du groupe Revolver, tout reste à découvrir ! Le premier album, déjà attendu, n’est même pas sorti…

Ambroise : Pas encore… Mais on a déjà un EP ! Cinq titres !… Bon, allez, on peut reprendre depuis le début et te dire comment on s’est rencontrés…

Je crois savoir que vous vous connaissez depuis longtemps, même si vous n’avez pas tous suivi des formations identiques. Mais aviez-vous des ambitions communes depuis le début ?

Christophe : Jérémie fait de la musique classique depuis l’âge de… (s’adressant à Jérémie) 6 mois ? Un truc comme ça. On lui a tout de suite mis un mini-violoncelle dans les mains…
Ambroise : Un virtuose !
Christophe : Il jouait de la musique classique. Il voulait devenir… (s’adressant à Jérémie) chef d’orchestre ?
Ambroise : Alors que nous, quand on était « petits », qu’on faisait de la guitare électrique, on voulait être les nouveaux Led Zeppelin !
Christophe : Et lorsqu’on s’est retrouvés à trois, c’est devenu… – disons que Jérémie a nettement nuit à la virilité du groupe. (rires)
Ambroise : Plus sérieusement, Jérémie et moi, on se connaît depuis tout petit pour avoir suivi tous les deux les cours de la Maîtrise de Notre-Dame de Paris.
Jérémie Arcache  : C’est une école de musique liée à la cathédrale Notre-Dame de Paris. On y a appris à chanter : on faisait partie des chœurs…
Ambroise : Et puis on s’est perdus de vue parce que j’ai arrêté l’école. Ensuite, j’ai rencontré Christophe au lycée, à Paris. On a commencé à jouer de la guitare ensemble, et à écrire des chansons très rapidement.

S’agissait-il alors de titres rock ?

Christophe : Non, c’était un peu plus arrangé…
Ambroise : (interrompant Christophe) Enfin, les premiers concerts qu’on a faits dans des bars, c’était toujours des reprises : on jouait quarante morceaux – le marathon de reprises ! C’était pop-rock. On a eu une période marrante, où, pendant six mois, on a fait beaucoup de rock ‘n’ roll : l’intégralité des répertoires d’Elvis Presley, Chuck Berry, Gene Vincent, Bo Diddley… C’était vraiment cool. Et puis on a commencé à avoir des titres originaux un peu présentables. Du coup, on a préféré jouer nos chansons, plus douces, inspirées par des artistes plus pop comme Elliott Smith, ou, bien sûr, les Beatles et les Beach Boys… C’est à cette époque que j’ai retrouvé Jérémie, parce qu’en me remettant à la guitare, j’ai voulu tout reprendre d’un coup – le classique, tout ça – et je suis donc retourné à la Maîtrise où il était resté, lui. Et puis quelques années plus tard, on a eu l’idée de jouer ensemble. Ça ne s’est pas fait tout de suite, mais progressivement, jusqu’à ce que cette formule à trois nous plaise vraiment beaucoup.

Donc, à part Jérémie qui a consciencieusement étudié le violoncelle, vous êtes des musiciens autodidactes ?

Christophe : Ouais !
Ambroise : J’ai pris des cours pendant quelques mois avec un prof’ qui nous apprenait surtout à restituer des morceaux après les avoir écoutés. Après, la guitare, une fois qu’on a les bases, c’est un instrument avec lequel on peut vraiment avancer tout seul, très, très vite, si on est motivé. Il faut juste écouter beaucoup de musique : l’apprentissage à l’oreille, c’est hyper bon.

Tous les artistes que vous avez cités sont de culture anglo-saxonne. Si j’entends ce que dit Ambroise, c’est à force d’apprendre et de reprendre leurs chansons que l’anglais s’est imposé dans l’écriture de vos textes ?

Jérémie : On aurait écouté du français, on aurait écrit en français.
Ambroise : Sans doute. (à Christophe) À part ta passion pour Jean-Jacques Goldman au début, on a plus tendu à imiter des artistes anglophones. Et quand on a vraiment commencé à composer, c’était l’anglais qui nous venait naturellement. Ça découle effectivement de notre culture  : quand on a une certaine musique dans l’oreille, on a tendance à la reproduire.

Avec ses longues études classiques, Jérémie apporte sûrement d’autres influences au groupe, peut-être même un autre regard sur la façon de composer. Comment travaillez-vous ensemble ?

Jérémie : On a tous apporté nos influences. Moi, il est vrai que j’écoutais beaucoup de classique, pas du tout de pop. Du coup, j’avais une oreille un peu « déformée » par rapport à la leur.
Christophe : C’est un monstre… Un monstre…
Ambroise : C’est difficile de composer à trois, en même temps – je veux dire : être ensemble dans une pièce et de travailler. Chacun développe d’abord des idées chez lui, en apporte une plus ou moins aboutie qu’on va développer ensemble. Par exemple, l’un vient avec une idée de couplet, et un autre avec celle du refrain : parfois ça colle, parfois pas ; mais ça peut amener à une troisième partie du morceau, que l’on va composer sur le moment. Il n’y a qu’une chanson, vraiment, qu’on ait composée à trois après une sorte de bœuf : c’est Balulalow, le dernier titre de l’EP. Son histoire est assez marrante, d’ailleurs : on donnait un concert, le soir du 30 août 2007…

(l’interrompant) Ce concert aurait-il à ce point marqué les esprits pour que vous vous souveniez de la date exacte ?

Christophe : Ce n’est pas une blague ! Ambroise, c’est la mémoire du groupe !
Ambroise : Oui, j’ai la mémoire des dates. À ce moment-là, on était dans une dynamique, où à chaque concert – c’est-à-dire une fois par mois, à peu près –, comme c’était un peu un événement, on avait l’ambition de jouer une nouvelle chanson. Et puis, là, on n’avait rien. Donc, dans l’après-midi, on s’est dit : « Allez, on en fait une ! »
Christophe : C’était juste quelques heures avant le concert.
Ambroise : Ouais, le concert était à 20h00, et on a commencé à composer vers 15h00…
Jérémie : C’était à la fin de la répétition… Mais on s’est dit : « Pourquoi pas ? »
Ambroise : Alors on a commencé à faire un riff, comme ça. Ensuite, il y a eu l’idée des « pa-pa-pa »
Christophe : Tout est venu très, très vite.
Ambroise : Chacun apportait un petit bout d’idée et en deux heures, la chanson était finie. On a écrit les paroles dans le métro, pendant le trajet qui nous menait à la salle. Bon, au final, on a un peu changé le texte…
Christophe : Oh, non, pas beaucoup…
Ambroise : On l’a récrit. Entièrement.

« Si on a décidé de faire de la musique acoustique, ce n’est pas par rapport à une tendance particulière. On n’a jamais été à la pointe de la hype et on ne le sera jamais parce qu’on ne réagit pas en fonction de ce qui se passe autour. Et si, en pensant de la sorte, on est punks malgré nous, c’est plutôt une bonne chose ! »
Ambroise Willaume

Avant l’enregistrement de votre EP, vous êtes repérés grâce à votre MySpace…

Ambroise : À la fin d’un concert où on partageait l’affiche avec plusieurs groupes, on rencontre cette fille qui nous dit : « Oh, j’aime vraiment ce que vous faites ! » En fait, il s’agit d’Élodie Filleul, la chanteuse de Maltès – un groupe qui n’a pas vraiment percé –, qui a notamment managé Superbus [groupe de pop-rock français, ndlr], au début. C’est elle qui nous a conseillés : « Mais il faut avoir un MySpace, les garçons ! C’est obligatoire, de nos jours ! » Nous, on ne connaissait pas MySpace, on n’en avait même jamais entendu parler. Vraiment. Parce que c’était un peu moins énorme que maintenant – cette discussion a eu lieu il y a un peu moins de deux ans et demi : le 07 avril 2006, je suis formel ! (rires) Alors on a regardé. On ne comprenait pas trop le truc : « Qu’est-ce qu’on va mettre dessus ? Des photos ? Ça ne rime à rien ! ».
Christophe : Alors on a investi 100 ou 200 euros pour enregistrer une maquette, dans ma chambre.
Ambroise : Aujourd’hui, je crois qu’on peut lui être assez reconnaissants : c’est grâce à elle qu’on a été repérés.
Christophe : Le directeur artistique de Delabel [Michael « Mica » Elig, qui travaille notamment pour ce label créé en 1992 au sein d’EMI / Virgin, ndlr] nous a contactés sur MySpace, nous disant qu’il aimait bien ce qu’on faisait. Pourtant, sur MySpace, on avait peu d’amis : ce n’était pas une page qui vivait – plutôt une page morte-née, presque.
Ambroise : Il y avait beaucoup de pages comme ça, sur MySpace.
Christophe : La nôtre a été glauque pendant très, très longtemps.
Ambroise : Un an d’errance : pas de visites, pas d’amis…
Christophe : Et pas de concerts.
Ambroise : On s’en foutait un peu. On jouait pour d’autres gens, notamment un ami musicien, David Aron [-Brunetière, également auteur-compositeur et producteur, ndlr]. Et puis on a continué à enregistrer.
Ambroise : Et on a donc été contactés par Delabel. Et là, on s’est dit qu’il allait falloir travailler sérieusement…

À quoi pensez-vous, alors : signer immédiatement ou attendre d’autres propositions ?

Ambroise : C’est un truc dont on n’osait pas vraiment rêver, mais on y pensait quand même pas mal. Alors, on a réfléchi.
Christophe : Pas tant que ça, parce qu’on a eu d’emblée un bon contact avec « Mica », le D.A. Ce qu’on aimait dans notre musique, c’est ce qu’il aimait aussi. Du coup, on pouvait vraiment discuter.
Ambroise : Il est très investi. Dès le début, on a eu l’impression qu’il avait saisi tout ce qu’on voulait faire, et ce qui faisait notre musique, dont il suit l’évolution. On se voit souvent. On a de bons rapports.
Christophe : C’est une vraie rencontre. Et c’est vraiment ça qui a déterminé la signature, je pense.
Ambroise : En même temps, ce n’est pas comme si on avait eu quarante propositions, non plus ! Ce qui nous a paru agréable, c’est que c’était une équipe toute nouvelle, toute jeune – « Mica » a 25, 26 ans ? –, avec des gens qui comprennent déjà comment le milieu de la musique pourrait évoluer. C’est vraiment une attitude de label indépendant. Ce que je trouve intéressant et classe, chez Delabel, c’est à la fois le côté major, avec une force de frappe, et le bon côté de la maison de disques indépendante, avec son D.A. motivé et à la pointe de ce qui se fait, de ce qui se passe.

« Pour faire notre maquette, on avait acheté un peu de matériel – juste ce qu’il fallait pour pouvoir sonner sans ordinateur. On a tout de suite compris que, techniquement, on n’allait pas faire le poids. Du coup, on est partis de ce principe : enregistrer la chose la plus simple possible, viser l’essence de nos chansons. Sonner évident : voilà ce qu’on recherche. »
Ambroise Willaume

Former un trio acoustique, était-ce un besoin d’originalité et d’audace au regard de l’actuel paysage musical ?

Christophe : Non, ça s’est fait petit à petit, en fait. On s’est rendu compte que c’est la formule qui marchait le mieux, et la plus confortable.
Ambroise : Pour l’enregistrement de la maquette, juste après la création de la page MySpace, donc, on avait acheté un petit peu de matériel : rien de très incroyable, mais ce qu’il fallait pour pouvoir sonner sans ordinateur. On a tout de suite compris qu’il fallait enregistrer la chose la plus simple possible parce que techniquement, on le savait bien, on n’allait pas faire le poids. Du coup, on est partis de ce principe : aller à l’essentiel, viser l’essence des chansons.
Christophe : Et on ne pouvait pas prendre une batterie ou une basse électrique en plus dans ma chambre.
Ambroise : Et puis on ne savait pas du tout comment enregistrer des instruments électriques, encore moins une batterie ; même un piano, c’était difficile. Alors qu’une guitare, une voix, c’est un peu plus simple. Et au final, un violoncelle, ça n’a pas été trop dur. Et après, on s’est dit : « Mais ça sonne ! Ça marche très bien comme ça ! »
Christophe : Finalement, ce sont aussi les contraintes qui te permettent de parvenir à l’essentiel.

À l’inverse, n’êtes-vous jamais partis d’un morceau très arrangé que vous auriez fini par dépouiller, pour l’épurer ?

Christophe : Il y avait effectivement plus d’arrangements dans ce qu’on avait fait au départ.
Ambroise : Mais arriver à ce résultat, c’était aussi être en adéquation à une envie, à ce moment-là, de composer des chansons simples. Ce qui est très difficile. C’est même ce qu’il y a de plus dur. Mais c’est aussi ce qu’il y a de plus fort. Sonner évident : voilà ce qu’on recherche.
Christophe : (attirant l’attention sur un titre qui passe à la radio) Comme ça, par exemple… C’est incroyable, ce gimmick ! C’est simplissime, et pourtant, c’est énorme ! Et la chanson, elle ne pâtit pas pour un sou de ce côté simple voire simpliste de la mélodie. C’est hyper classe !

Justement, les radios, la télé’, la presse, mettent en avant le phénomène des BB Brunes et autres bébés rock – Naast, Second Sex, Plasticines. Sortir un album acoustique dans ce contexte, n’est-ce pas un peu audacieux, pour ne pas dire culotté ?

Ambroise : Est-ce qu’on est culottés par rapport à… « ça » ?
Christophe : C’est très en vogue, tout ça ? Ça marche vraiment ? Parce que ça a mis du temps à se lancer : on en parle depuis tellement longtemps… C’est comme une espèce de nébuleuse de types qui font du bruit… On n’est pas culottés par choix. Mais finalement, si on l’est, c’est très bien.
Ambroise : Oui, si on est punks malgré nous, c’est plutôt une bonne chose ! On fait juste notre musique. Si on a décidé de faire de la musique acoustique, ce n’était pas par rapport à une tendance particulière. On n’est pas du tout à la pointe de la hype, on ne l’a jamais été et je pense qu’on ne le sera jamais : parce qu’on ne réagit pas en fonction de ce qui se passe autour. Aujourd’hui, justement, parce qu’on est davantage en contact avec le milieu, qu’on rencontre toujours plus de gens influents, on a parfois la tentation de se dire : « Tiens, mais si on faisait ça, sur ce morceau, ce serait plus à la mode… » Mais c’est important de s’en préserver. De garder et de suivre nos envies.

Pensez-vous pouvoir garder le même discours sur la durée ?

Ambroise : C’est un combat. On n’est qu’au début d’une longue série de perversions ! Mais c’est intéressant aussi de voir à quel point on est forts, si on arrive à rester hyper personnel…
Christophe : Il suffit de pas grand-chose pour se refroidir : tu écoutes un peu de musique déjà enregistrée, comme un ou deux morceaux d’Elliott Smith ou du classique, et ça te calme ! Mais c’est sûr, on peut vite s’exciter avec l’industrie, ce milieu musical un peu branché…
Ambroise : C’est exponentiel : à la base, ce sont juste des petites chansons composées dans notre chambre, et d’un seul coup, il y a un buzz énorme. Alors c’est important de garder de l’humilité, d’avoir en tête qu’on a beaucoup de chance. On a évidemment l’ambition de faire les meilleures chansons possibles, mais je pense qu’on est conscients de ce qu’on est. Et il faut le rester. Ne pas se surestimer. Ce n’est pas évident, parce que les tentations sont nombreuses.

Et le succès grandissant, elles le seront de plus en plus !

Christophe : Oui, on le découvre un peu, déjà, et ça fait drôle ! C’est bizarre…
Ambroise : Parce qu’aujourd’hui, ce sont les gens autour de nous qui nous disent qu’il y a un peu de buzz, qu’on commence à parler du groupe. Nous, on n’est pas tellement au courant de tout ça. Alors, parfois, on tape : « Revolver + pop de chambre » sur Google, pour voir… C’est marrant… Il y a six mois, il n’y avait quasiment rien à propos de nous ; et puis d’un seul coup…

« On n’a pas décidé de faire de la musique acoustique par rapport à une tendance particulière. On n’a jamais été à la pointe de la hype et on ne le sera jamais parce qu’on ne réagit pas en fonction de ce qui se passe autour de nous. Et si, en pensant de la sorte, on est punks malgré nous, c’est plutôt une bonne chose ! »
Ambroise Willaume

Et puis d’un seul coup, vous avez une pleine page dans Les Inrocks !

Christophe : Ouais, c’était bien, ça ! Elle était cool !
Ambroise : À cette époque-là, quelqu’un m’avait demandé : « Alors, Revolver ? Il paraît que c’est en train de devenir énorme ? Vous êtes vraiment des génies ?» Et c’était tellement décalé que ça a été super instructif pour moi. Je me suis dit : « Tiens, c’est comme ça que ça va se passer… » Sur le moment, ça m’a fait super plaisir ; et juste une heure après, j’y ai repensé : « Mais c’est quoi ce délire ? Qu’est-ce qui se passe ? »
Christophe : Ce qui est drôle, aussi, c’est les gens qui te re-contactent, que tu n’as pas vus depuis des années. Tu sais, des cousins un peu oubliés ou des amis lointains…
Ambroise : Et des amis d’amis. Des gens que tu as rencontrés pendant les vacances, il y a trois ans…
Christophe : « Salut, j’ai vu dans Les Inrocks que tu faisais de la musique. Tu te rappelles ? On était en CP ensemble… » Des vautours qui arrivent pour grappiller un petit bout de truc, quoi ! C’est vraiment dégoûtant.
Ambroise : Peut-être qu’on exagère le truc. Ce n’est pas forcément conscient de leur part… C’est une espèce d’attirance ou une attitude naturelle de certaines personnes à aller vers « ce qui brille ». Je ne pense pas que les gens soient cyniques ou à ce point intéressés. Ce n’est pas méchant.
Jérémie : Ce n’est pas forcément malhonnête.
Ambroise : Juste une envie de se manifester pour dire : « Je suis content de ce qu’il vous arrive. » Mais en même temps, c’est un peu bizarre. Il faut faire gaffe.

Autre première expérience : celle du studio d’enregistrement. Vous a-t-elle appris beaucoup de choses également ?

Christophe : On est encore en train d’apprendre. C’est complexe, le studio. Il y a beaucoup de paramètres.
Ambroise : Mais on a fait notre premier EP dans des conditions presque similaires à celles du studio. On n’était pas dans un studio énorme avec quarante ingénieurs du son… Juste une personne qu’on avait rencontrée, Robin Leduc. Et ça s’est fait d’une manière assez simple. On a procédé un peu de la même façon que pour la première maquette. Du coup, ça a été une transition en douceur. Aujourd’hui, on commence à monter dans les éléments de la chaîne.
Christophe : Finalement, le studio de Robin, c’était assez idéal. On avait fait des tests dans des énormes studios parisiens, qui sont très bien, mais c’était plus agréable pour nous d’être juste dans une pièce un peu plus petite, avec peu de matériel mais qu’on connaît bien. C’était une bonne solution pour ce qu’on fait. Plus tard, on verra.

Et quelle est votre actualité ?

Ambroise : On ne tourne pas encore. Les concerts qu’on fait, c’est surtout de la promo’ – même ce soir : c’est pour les tourneurs.
Jérémie : On n’a pas trop le temps de faire beaucoup de concerts, comme on se consacre beaucoup à l’album en ce moment.
Ambroise : Disons que là, on est surtout en mode enregistrement, pour sortir l’album en octobre, si tout se passe bien.

Vous annonciez pourtant la session d’enregistrement pour la fin juin. Auriez-vous pris un peu d’avance ?

Jérémie : On a commencé la semaine dernière.
Ambroise : Ça va prendre un mois, je pense. Étant donné qu’on veut le faire tout seuls. Sans ingé’ son ni réalisateur, a priori. Pas aidés. Pas du tout.

Est-ce là un défi que se lance le groupe ?

Christophe : Exactement. C’est aussi l’envie d’avoir un premier album qui soit juste de nous.
Ambroise : C’est une façon de travailler qui nous plaît beaucoup, qu’on a utilisée depuis toujours ; et c’est celle qui marche le mieux. On a fait beaucoup de tests dans des conditions et avec des personnes très différentes, et à chaque fois, ce qui revenait, c’était qu’on était beaucoup moins investis que lorqu’on était seulement tous les trois.

Pour l’instant, vous avez surtout soumis vos chansons à l’épreuve du live… Savez-vous lesquelles ont passé le test et figureront sur l’album ?

Christophe : On en a une vingtaine… On a le choix. On aura même du rab. On va faire des b-sides !
Ambroise : Non, non, faut les garder ! Faut penser qu’il va falloir faire une réédition de l’album six mois après !
Christophe : Quelle enflure !
Ambroise : Si, avec l’EP en bonus ! Mais non, non… On a une vingtaine de chansons, effectivement. On s’est dit qu’on allait en choisir quinze, et n’en mettre qu’une douzaine sur l’album. Parce qu’il y en a déjà deux, trois dont on sait qu’on ne les mettra pas : soit parce qu’elles sont déjà sur l’EP, soit parce qu’on n’a pas envie de les enregistrer tout de suite – elles ne sont pas suffisamment bien menées. Aujourd’hui, on est sûrs d’une bonne dizaine de morceaux.

Avez-vous déjà des projets, suite à la sortie de l’album ?

Ambroise : Moi, je vais me reconvertir : je voudrais être critique culinaire.
Christophe : Moi j’aimerais bien avoir une ferme aux États-Unis.

Plus sérieusement ?

Christophe : On se pose plutôt des questions ponctuelles.
Ambroise : On s’est surtout occupé de la musique, jusqu’à présent.

Et avez-vous songé à créer un univers autour du groupe ?

Jérémie : On n’a pas envie de créer un « concept » Revolver.
Ambroise : On n’a pas vraiment développé notre univers, graphiquement : on n’a ni charte ni style vestimentaire. C’est vraiment notre musique qui compte avant tout. Après, c’est sûr que pour un concert, il y a une dimension de spectacle hyper importante, mais ça peut passer par des choses très simples.
Christophe : Même si on s’habille. Il ne faut pas que ce soit systématique : un soir, on s’habille comme ça, et le lendemain, d’une autre manière. Je n’ai pas tellement envie qu’on soit enfermés dans un truc…
Ambroise : Et si, par exemple, ça se passe particulièrement bien dans une certaine tenue, lors d’un concert… Ça joue beaucoup ! Ça peut influer sur notre perception de « personnages » qu’on pourrait créer sur scène… Mais ce ne sont pas des choses qu’on va réfléchir à l’avance, plutôt auxquelles on va réagir.
Jérémie : Pour l’instant, ce qui nous plaît, c’est d’être en costume. C’est assez classique.
Christophe : Mais c’est assez agréable.

J’ai déjà eu cette discussion avec le groupe Archive…

Ambroise : Archive ? Bizarre… Avant, ils n’étaient pas en costume… C’est assez récent, alors, non ? Parce que je les avais vus à l’Élysée-Montmartre il y a trois ans, je crois, et ils étaient…
Christophe : (l’interrompant) Quel jour ?
Ambroise : C’était en juin. Le 17. Non… Je ne sais plus quelle date c’était…

Aïe…

Christophe : Il a bu un peu d’alcool hier soir, c’est pour ça.
Ambroise : Oui, je te retrouverai cette date ! D’ici une heure, j’aurai de nouveau toutes mes facultés ! (rires)

POP DE CHAMBRE (EP), DE REVOLVER (DELABEL / EMI, 2008)

Mickaël Pagano, 2008

© PHOTOS : DR, ROMAIN CHASSAING, NÉFIS DHAB, SERGE LEBLON