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PHILIPPE STARCK
PORTRAIT

Vastes desseins

Est-il encore nécessaire de présenter Philippe Starck, récemment nommé directeur artistique de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ? Depuis plus de trente ans, le génie designer français produit son univers, s’introduit dans le vôtre avec des objets et des environnements qui illuminent le quotidien, lequel prend une toute autre dimension. Nouvellement conquise par les étoiles et depuis toujours par l’amour, la création d’un imaginaire ou marque de fabrique signé/e Starck reste sans (commune) mesure.

Petit, Philippe Starck s’amuse à reconstituer la réalité des choses qui l’entourent : tandis que son père dessine des avions, le futur designer fait du bricolage son aire de jeux. Avec quelques outils de travail et beaucoup d’imagination, il refait le monde des jouets, de la mécanique, de son quotidien. Bien qu’il aspire au métier d’astrophysicien, dans son esprit, les pièces du puzzle commencent à s’assembler : avec l’art et l’envie d’inventer paternels et la part de rêveries maternelle, le jeune Starck s’inscrit à l’école Nissim de Camondo à Paris pour suivre des études de design. Il a pour lui-même de grandes ambitions : « Créer des produits poétiques », et ce dès 1968 – à l’aube de ses 20 ans –, alors qu’il constitue sa première société, spécialisée dans la conception d’objets gonflables. L’année suivante, le novice entrepreneur entame déjà une collaboration avec Pierre Cardin ; et quand sa compagnie atteint l’âge de raison en 1975, Starck vole encore de ses propres ailes vers le design d’intérieur (la décoration des boîtes de nuit parisiennes Le Chalet Du Lac, La Main Bleue, Les Bains Douches) et le design industriel pour finalement atteindre ses objectifs en 1979 : Starck Product.

Le designer du futur devient vite omniprésent dans ses domaines de prédilection. Philippe Starck passe les années 80 avec les faveurs du Président François Mitterrand (il remanie l’aménagement des appartements privés du Palais de l’Élysée) comme des médias (à la manière de son homologue architecte, Jean Nouvel), qui le placent à la tête d’un renouveau, voire d’une avant-garde du design. Prodigue sacré prodige, Starck propose et compose les plans de locaux ou de résidences pour des maisons renommées et des particuliers anonymes ; idéalise et réalise les dedans des cafés, restaurants, hôtels, night-clubs et salles de spectacles les plus courus de la planète ; crayonne et façonne le mobilier commandé par des éditeurs espagnols, français, italiens, suisses et japonais…

Starck s’expose tant aux éloges qu’aux critiques : ses détracteurs le voient ressusciter une image de marque en vendant la sienne comme un produit de consommation, voire au diable « publicité », sacrifiant jusqu’au confort d’utilisation d’un objet. Au-dessus de tout cela, le designer le plus connu de France à l’étranger explose : parce qu’il s’efforce de « donner le meilleur au maximum de gens », Starck s’inscrit en faux contre l’idée d’un design destiné seulement à une élite.

Philippe Starck entend partager sa vision subversive d’un monde qu’il souhaite plus juste et dans lequel chacun doit être à l’écoute et participer à la grande histoire de l’évolution. Lui-même développe des objets dits « intelligents » (la lampe Miss Sissi pour Flos, le distributeur d’eau Fontaine pour Dieau, la brosse à dents-doseur de dentifrice pour Fluocaril…), les anime d’humanité, quand ses autres lignes ne s’inspirent pas formellement du corps humain (Starck Eyes pour Mikli revoit la lunette ergonomique d’après les articulations du squelette) ni ne s’inquiètent qu’il respire la santé (les produits biologiques alimentaires, comme l’huile d’olive, pour sa compagnie OAO). D’ailleurs, auprès de ses concitoyens, la conscience de Starck n’est plus exclusivement professionnelle : le designer est politiquement engagé dans la lutte pour un meilleur environnement. Et moralement encouragé par l’idée de créer l’amour, « l’une des finalités absolue de notre vie sur terre ».

Autant de valeurs et de desseins que Philippe Starck met en œuvre avec l’une de ses principales récentes missions : la direction artistique de Virgin Galactic, qui tient à démocratiser le voyage dans l’espace d’ici la première décennie des années 2000. Entre temps, le designer, choisi en avril dernier pour concevoir les produits dérivés de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, aura présenté à la face du monde « l’image d’une France très moderne, très créative, utilisant les plus hautes technologies ; une France non pas béret basque mais une France d’avant-garde ».

Mickaël Pagano, 2008

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