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ÉTIENNE CHATILIEZ
PORTRAIT

La force féroce

Le très attendu Agathe Cléry (Produire à Paris / TF1 Films Production / Téléma /Pathé Distribution, 2008) avec Valérie Lemercier, est enfin sur nos écrans. Le nouveau film d’Étienne Chatiliez laissera-t-il, comme les précédents, plus qu’un bon souvenir ? Saura-t-il, une fois encore, prendre sa place dans notre quotidien ?

« La vie est un long fleuve tranquille », annonçait-il noir sur blanc dans toute la France, il y a déjà vingt ans. À l’époque, Étienne Chatiliez, ex-concepteur-rédacteur pour l’agence de communication CLM/BBDO, est un jeune réalisateur et scénariste de spots publicitaires. Ses mini comédies musicales filmées pour éram (« Il faudrait être fou » pour les avoir oubliées), qui évoluent toujours vers la comédie de mœurs, sont dans l’air du temps et démontrent que leur auteur ne manque pas de souffle. Grâce au triomphe de son premier long métrage, Etienne Chatiliez a même le vent en poupe : La Vie est un long fleuve tranquille est récompensé par plus de quatre millions de spectateurs et quatre César dont un pour le meilleur scénario. Car c’est bien l’écriture du cinéaste qui marque les mémoires.

Mieux que des scènes et des répliques cultes – « Lundi, c’est raviolis » et « Jésus, reviens » –, c’est le style d’Étienne Chatiliez que le public et la critique retiennent dès son premier coup d’essai et de maître au cinéma. Dans La Vie est un long fleuve tranquille (France 3 Cinéma / MK2 Productions et Diffusion / Téléma, 1988), sa griffe égratigne deux visages de la France : avec les portraits des familles Le Quesnoy (riches bourgeois, pieux et proprets) et Groseille (pauvres bougres, vicieux et « crapets »), il confronte deux mondes distincts – ceux de son enfance, passée dans le Nord –, mais sur un pied d’égalité. Le fond de son œuvre est donné. Le ton aussi : il sera comique, caustique, critique.

Depuis, Étienne Chatiliez n’a cessé d’y mettre les formes. En 1990, Tatie Danielle (Téléma / FR3 Films Production / Les Productions du Champ Poirier / AMLF) pointait du doigt le conflit des générations mais aussi – parce que le conte moderne dégénère toujours avec le cinéaste – la méchanceté d’une personne âgée, tandis que Tanguy (Les Productions du Champ Poirier / TF1 Films Production / TPS Cinéma / Téléma), en 2001, ne prenait plus en main l’éducation d’un enfant devenu adulte et vivant toujours chez ses parents. En 1995, Le Bonheur est dans le pré ouvrait une fois encore les barrières sociales et culturelles de milieux « ennemis », citadin et rural, tout comme La Confiance règne, en 2004, n’entendait pas clore le bec à la lutte des classes gouvernante et laborieuse.
Étienne Chatiliez a néanmoins fini par s’essouffler : ce dernier film, une comédie musicale avec avec Cécile de France et Vincent Lindon, a manqué de spectateurs – 500 000 environ – et, somme toute, d’originalité, pour devenir un succès.

Et pourtant, est-ce bien ce que l’on demande à un cinéaste du cliché et de la satire ? Car Étienne Chatiliez, en bon publicitaire qu’il a été, n’a jamais cessé d’entretenir son œuvre des bonnes et mauvaises habitudes de vie d’une société que nous composons. Grossissant leurs traits de caractère grâce à la caricature, les faits divers deviennent un phénomène de l’actualité. Et ses/nos lieux communs (un trentenaire resté au domicile parental) sont aujourd’hui des noms communs (un « Tanguy »). La véritable réussite d’Étienne Chatiliez ? Le retentissement de son œuvre sur toute la société.

AGATHE CLÉRY, D’ÉTIENNE CHATILIEZ (PRODUIRE À PARIS / TF1 FILMS PRODUCTION / TÉLÉMA /PATHÉ DISTRIBUTION, 2008)

Mickaël Pagano, 2008

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