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RYAN MCGINNESS
“MULTIVERSE”

Art multiplicatif

Empruntée à la grammaire de la physique quantique, l’expression « multiverse » sert la mise en images de plusieurs mondes parallèles en expansion. Soit, dans le langage pictural de l’artiste, Ryan McGinness, un vocabulaire bulleux composé de pictogrammes qui se gèrent et s’ingèrent, dont il nous donne la définition à travers quelques mots choisis…

Maintenant circonscrits dans les pages d’une publication inédite, multiverse (en édition limitée à 1000 exemplaires, aux éditions de la galerie du jour agnès b., distribuée par D.A.P. et O.F.R.), Ryan McGinness a décliné ses univers sur des supports divers – tapis, planches de skate, stickers, ballons de football, vidéo, sérigraphies, etc. – au cours d’un long travail de préparation avant de les présenter pendant plus d’un mois à la galerie du jour. Et avant de repartir pour Manhattan, l’artiste, consacré par les publics parisiens, a accepté d’exposer l’envers de ses décors et les grandes figures de son entourage.

 

Parcours
Un journaliste m’a décrit ainsi : « Ni peintre, ni photographe, ni sculpteur, ni graphiste, ni artiste de performances », etc. En fait, je suis tout ça à la fois. Je me suis intéressé au dessin très jeune, et j’entretiens un rapport très particulier avec lui. dessiner me donne l’impression de contrôler le monde au lieu d’être contrôlé par lui. après le lycée, j’ai travaillé sur une base navale pour laquelle je réalisais des affiches et des tracts. Au début, je créais tout moi-même, jusqu’au jour où j’ai découvert les « cliparts » et tous ces livres réunissant des images appartenant au domaine public et donc libres d’utilisation. À l’université, j’ai commencé à les détourner avec ironie à l’occasion de campagnes électorales étudiantes auxquelles je participais. Et depuis, je continue à faire des dessins et des photos que j’agrandis ou réduis, retravaille, compile, organise, etc.

Définition
Le langage visuel a une autorité unanime, il s’impose à tous, et c’est ce qui fait son pouvoir : on le comprend automatiquement. Toutefois, il possède différentes formes qu’il faut connaître pour pouvoir l’utiliser : n’importe quel auteur ne peut pas utiliser n’importe quelle forme. J’ai donc beaucoup travaillé sur des logos et des pictogrammes, au point de passer plus de temps sur mon ordinateur qu’à peindre. Mon travail artistique consiste en un assemblage de symboles, d’« icônes » dont la notion d’original est absente ; ils sont à l’origine d’une iconographie personnelle reproduite et replacée dans un contexte à l’infini, à travers une grande variété de supports – peinture, impression numérique, installation, objet du quotidien.

Science
Art et Science sont tous deux basés sur la foi. Surtout la physique quantique. J’ai lu plein de livres sur le sujet, qui me passionne vraiment. Ma femme a un bagage de chimiste et travaille dans le milieu médical. C’est donc quelque chose qu’on a en commun, même si elle est plus pragmatique que moi. Personnellement, je pense que l’Art et la Science se rejoignent lorsqu’il est question de foi. À bien y réfléchir, les concepts les plus intelligents sont aussi, très souvent, les plus simples. On n’imagine pas combien la science peut être aussi belle et élémentaire qu’accessible… J’espère qu’un jour tout le monde aura accès au concept que j’ai voulu communiquer à travers « multiverse », même si, pour l’instant, on a seulement la sensation d’une imbrication entre Science et Art, et que mes œuvres ne retranscrivent pas exactement ma visée scientifique…

Images
J’adore l’univers de la comédie – beaucoup de mes amis sont acteurs –, et j’aime aller au cinéma voir des « goofies », des dessins animés. J’ai fait beaucoup de vidéos, mais pas de fiction cinématographique : plutôt des performances filmées et projetées lors d’expositions. Je travaille actuellement avec des réalisateurs et je reste en contact avec des gens pour mettre en scène quelques idées, mais je ne suis pas sûr de vouloir poursuivre dans cette voie… J’ai aussi réalisé deux clips, dont un pour DJ Mehdi [North Star (2002), co-réalisé avec Bill McMullen, ndlr]… Mais ça ne m’intéresse pas outre mesure. Je préfère aujourd’hui m’essayer au storyboard, bien que ce ne soit pas ma spécialité. J’ai aussi fait plusieurs chemises et des sacs pour des marques de mode. Je viens de la culture surf : à l’époque, quand j’étais ado’, c’était déjà très important d’avoir un logo, un motif sur son tee-shirt, pour avoir l’air cool. Mais je ne trouvais jamais ce que je voulais, l’image qui me correspondait : alors, depuis, je fabrique mes propres tee-shirts !

 

Agnès B.
L’année dernière, j’ai participé à une exposition collective à la galerie du jour : « What About New York? A New New York Scene ». Je crois que j’avais déjà rencontré Agnès à une soirée, mais là, c’était la première fois qu’on travaillait ensemble. Elle a ensuite exposé quelques-unes de mes œuvres à Toulouse, lors de son « installation » aux Abattoirs [la présentation de la collection privée d’Agnès B. au musée d’art contemporain, ndlr]. C’est à cette occasion que nous avons parlé de faire des chemises sérigraphiées [collection Homme Hiver 05, ndlr] ; il n’en existe que cinquante pièces, numérotées et toutes uniques puisque je les ai faites à la main dans mon atelier. Enfin, aujourd’hui, il y a la présentation de « multiverse ». J’aimerais faire encore plus de choses avec Agnès ! Elle est si singulière dans sa façon d’être passionnée par l’Art ; et les gens comme elle sont si rares ! Comparée aux autres organisateurs d’expositions avec lesquels j’ai pu travailler par le passé, aux État-Unis ou ailleurs, Agnès est celle qui a le plus de croyance et de foi en l’Art – une sorte d’ange protecteur pour les artistes…

 

« MULTIVERSE », DE RYAN MCGINNESS, DU 11 DÉCEMBRE 2004 AU 29 JANVIER 2005 À LA GALERIE DU JOUR (PARIS)

Mickaël Pagano, 2004

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